FOPICA
FOPICA. Source: FOPICA.

Home » INTERVIEW: L’Avenir Du Cinéma Au Sénégal Avec Germain Coly

INTERVIEW: L’Avenir Du Cinéma Au Sénégal Avec Germain Coly

Interview avec le Directeur de la Cinématographie, du FOPICA, sur le futur du cinéma qui se développe dorénavant au Sénégal, dans le contexte du Red Sea Film Festival (RSIFF) 2022. Cet article a été édité pour des raisons de cohérence et de longueur. Commençons par la création de FOPICA et sur ce que vous faites. […]

26-10-23 14:37
FOPICA
FOPICA. Source: FOPICA.

Interview avec le Directeur de la Cinématographie, du FOPICA, sur le futur du cinéma qui se développe dorénavant au Sénégal, dans le contexte du Red Sea Film Festival (RSIFF) 2022.

Cet article a été édité pour des raisons de cohérence et de longueur.

Commençons par la création de FOPICA et sur ce que vous faites.

Germain: Merci beaucoup à vous. Le FOPICA a été créé par une volonté de l’Etat du Sénégal qui l’a créé et a commencé à le doter, c’est à dire à mettre les moyens à partir de 2014 avec une première dotation d’un milliard de francs CFA, c’est-à-dire 1 500 000 € pour la première dotation qui est arrivée. Mais c’est venu d’une volonté du Sénégal de booster un peu la production cinématographique et d’aider à la structuration des industries cinématographiques et audiovisuelle au Sénégal, mais également de créer un écosystème favorable au développement de cette industrie cinématographique au Sénégal. L’arrivée du FOPICA, évidemment, a boosté la production. Ça a valu au Sénégal une bonne présence au niveau international dans les grands festivals, notamment à Berlin et à Cannes. Mais également aux Oscars, avec des films de réalisateurs comme Alain Gomis qui a remporté deux fois les talents du Yennenga au Burkina Faso, mais qui a été sélectionné également à Cannes et aux Oscars, nominé aux Oscars. avec un prix à Berlin. Puismaintenant tous les jeunes qui sont présents dans les festivals et qui ont récolté de nombreux prix ça a valu vraiment au gouvernement du Sénégal, notamment le président de la République, de doubler la dotation qui est passée maintenant à 3 milliards de francs, 1 à 2 milliards de francs CFA, c’est 3 millions d’euros qui sont disponibles, qui sont mis en place directement par l’Etat du Sénégal.

Cette dotation elle est renouvelée chaque année ?

German: C’est renouvelé tous les ans. C’est une dotation que nous recevons tous les ans. Alors, cette aide, cette dotation nous permet de financer le cinéma sénégalais et même africain. Parce que du coup il y a des coproductions. Mais nous finançons toute la chaîne de production depuis l’aide au développement. Quand des projets arrivent et que nous, les étudiants et que nous sentons que ces projets peuvent aller loin, nous aidons dans le cadre de ce qu’on appelle l’aide au développement qui permet aux porteurs du projet, aux réalisateurs de faire des repérages, d’écrire le scénario. Vraiment tout ce travail préalable qui permet de développer sur ce projet. Et généralement, quand on entre dans cette aide au développement, nous continuons dans le cadre de l’aide à la production qui permet vraiment d’apporter un premier soutien de l’Etat du Sénégal. Surtout que c’est important pour nos films que nos producteurs, en allant chercher des moyens, viennent déjà avec quelque chose et ne viennent pas les mains nues. Mais ils viennent voir les partenaires en disant « mon État à déjà mis ceci et je cherche des compléments de financements pour la réalisation du film ». Et ça c’est important.

Du coup ça c’est un des critères pour recevoir la dotation ? Y-t-il d’autres critères ?

Germain: Les critères sont assez nombreux. Mais ça dépendra vraiment. Il n’y a pas de censure. Donc c’est vrai que ce sont des fonds publics, mais nous n’intervenons pas toujours dans le contenu du sujet. Ce qui nous intéresse, c’est la pertinence en tout cas de ce projet. L’universalité du discours, c’est tout ce qui nous intéresse. Mais on ne va pas rentrer dans les détails, bien que ce soit des fonds publics.

L’autre partie qui nous intéresse aussi, c’est la formation. L’Etat du Sénégal envisage de faire de notre pays un lieu de tournage. Nous avons la chance d’avoir des décors assez variés qui vont des décors désertiques à d’autres paysages. Nous avons le soleil tous les jours. Nous faisons donc beaucoup de formations à l’intention des uns, à l’intention des professionnels, des techniciens. Parce que si nous voulons être un pays de tournage, il faut aussi que nous puissions donner les ressources humaines aux grands de production qui vont arriver. Donc, c’est pour cela que nous soutenons beaucoup de formations.

Quelles sont les formations offertes ?

Germain: Il y en a bien peut être une douzaine d’écoles dans le pays et des initiatives qui tournent également. Donc des écoles qui font dans la réalisation, dans la, comme aux courts métrages, mais qui font dans la post-production comme le Centre Yennenga qui font dans d’autres métiers techniques comme le centre, Media Centre, mais aussi des initiatives qui tournent itinérant à l’intérieur du Sénégal comme un scénario pour tous, un itinéraire documentaire également, mais également les universités qui aujourd’hui sont en train de dispenser également de cours dans l’eau dans les cinémas à Saint Louis, au nord du Sénégal. Nous avons un master en réalisation documentaire. Il y a un institut qui enseigne dans les métiers du cinéma et de l’audiovisuel, mais également à l’université de Dakar et il y a des masters en réalisation. Et donc vraiment il y a un écosystème qui voilà, est en train de s’installer et c’est vraiment intéressant.

Ces écoles et ces universités bénéficient-elles des dotations ?

Germain: Elles sont aidées par le FOPICA. Puisque nous sommes au début et donc il faut encourager tout cela. Nous subventionnons également ces écoles et ces universités pour qu’ils puissent organiser tout cela.

Mais nous ne nous arrêtons pas seulement au Sénégal. Nous envoyons également des jeunes à Les Sables, Marrakech par exemple, où présentement nous avons douze stagiaires qui y sont actuellement sur place. Il y a des étudiants qui sont là bas, qui sont en train d’étudier le cinéma. Nous en envoyons aux Etats-Unis et nousen envoyons en France pour vraiment avoir des ressources humaines qualifiées. Je pense que c’est ce qui est en train aujourd’hui de faire la visibilité du cinéma sénégalais. Ce n’est pas seulement les moyens de l’Etat, mais aussi le talent de ces jeunes là et ces talents qui sont consolidés à travers les formations que l’Etat leur garantit en tout cas, pour qu’ils puissent faire correctement le travail.

Maintenant, la production est importante. Aujourd’hui, il y a les séries qui arrivent. Je dis toujours que, au niveau des séries, en tout cas dans l’Afrique francophone, le Sénégal est en train, à la limite, d’exercer une certaine “soft power”. Ce sont nos séries sénégalaises qui sont regardées. Quand je voyage, je vois un peu partout en Afrique francophone des ressortissants qui commencent à apprendre la langue, pour regarder les séries dans leur langue originale. Ce sont nos acteurs également qui se déplacent encore pour jouer dans les autres séries encore.

À l’étranger?

Germain: A l’étranger. Donc je pense qu’on est en train de faire du bon travail et il y a une économie qui est en train de se développer dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel.

Avec quels pays avez-vous eut des coproductions ? Avez-vous des exemples d’autres pays d’Afrique ou de l’étranger?

Germain: Oui, oui, oui. Le Sénégal développe beaucoup d’apports de coproductions, d’abord, au niveau étatique parce qu’il faut créer le cadre juridique qui va permettre aux professionnels de pouvoir échanger. Et sinous avons signé des accords avec la Tunisie, par exemple, en 2018 déjà, avec la Côte d’Ivoire, nous avons avec le Maroc, avec la France, avec la Belgique.

Y-a-t-il beaucoup de projets avec l’Europe?

Germain: Beaucoup. Beaucoup de projets qui se font avec l’Europe. Nous sommes en négociations, mais c’est finalisé, avec la Finlande et le Luxembourg. Et nous cherchons juste le prétexte pour que nos deux autorités, les ministres en charge de la culture, puissent se retrouver et signer ces accords.

On a multiplié un peu les négociations avec notamment le Rwanda, avec d’autres pays, en tout cas le Mali, qui sont tout à fait à côté. Mais il faut permettre vraiment de créer le cadre juridique qui va nous amener à ça. Avec l’Arabie Saoudite également. Mon ministre aura un entretien avec son homologue dans les jours à venir. Et nous sommes en train de proposer un accord de coopération cinématographique pour mettre en place cecadre juridique qui permettra, aux producteurs sénégalais, aux cinéastes sénégalais de profiter également des opportunités qui sont offertes par ce pays qui entend développer sa cinématographie en se basant sur une politique autour du Red Sea International Film et également du Red Sea Souk. Et je pense qu’il y à prendre.

Qu’est-ce que vous constatez de la deuxième édition du Red Sea Film Festival ?.

Germain: Aujourd’hui, le constat que je fais ici, c’est que, le Red Sea il a été pensé pour le développement du cinéma saoudien, du cinéma arabe mais africain également. Et c’est pour cela que nous sommes là aujourd’hui. Le Sénégal est là depuis la première édition. On était venus avec un film, le film Astel de Ramatoulaye Sy. Nous avons également des cinéastes comme Moussa Sene Absa, qui fait partie du comité de lecteurs du fond du Red Sea de manière permanent. Il fait partie du groupe de lecteurs des projets. Nous sommes aujourd’hui ici en tout cas le pays au sud du Sahara, le premier pays à avoir un stand dans le Red Sea Souk, je pense que voilà, nous travaillons à tenir une place ici et à développer cette coopération.

On va voir comment faire entrer, mettre en relation déjà avec des festivals qui existent à Dakar. Depuis hier démarre le festival Dakar pour le court métrage, un important festival de niveau international et je suis en train de voir comment faire les lignes avec ce ce festival, mais également voir comment développer des Labs, où on prendrait du talent, des talents d’ici dans Arabie Saoudite, mais également des talents du Sud du Sénégal et de l’Afrique. Comment les mettre ensemble pendant un moment et les amener à travailler ensemble c’est vraiment ce que nous recherchons ici et ça fait partie de notre présence dans ce festival du Red Sea.

Est-ce que vous avez eu des conversations intéressantes à cet égard cette semaine ?

Germain: Oui, nous avons eu des conversations. Aujourd’hui, certainement je vais pouvoir discuter avec le patron du Red Sea également. J’ai déjà des discussions avec les autorités du ministère de la Culture d’Arabie Saoudite avec qui je suis en train d’échanger pour préparer l’entrevue. En tout cas, la conférence virtuelle qui va réunir le ministre de la Culture du Sénégal, le professeur à Louxor et son homologue saoudien.. Voilà, d’ici la semaine prochaine.

Vous visez quelle année pour la mise en œuvre du lab que vous souhaitez créer ?

Germain: Je pense que nous pourrons y aller pour 2023. On peut aller vite. On peut aller vite. Je veux qu’on aille vite. Nous avons cet écosystème favorable à ça. Je pense que voilà, ça pourrait se mettre en place très rapidement au bénéfice des deux parties.

Est-ce que vous avez eu des projets avec l’Afrique du Sud ou pas encore?

Germain: Oui, nous avons des projets avec l’Afrique en termes de réalisation de films, mais également l’Afrique du Sud s’était engagée dans un grand projet de l’Etat de Sénégal qui est la cité du cinéma et de l’audiovisuel, donc le projet qui fait part du programme du gouvernement Sénégal. L’Afrique du Sud a déjà manifesté l’intérêt d’entrer dans le partenariat de ce projet. Mais il se passe déjà un certain nombre de choses. C’est comme avec l’Inde où il se passe également, ils ont toujours manifesté l’intérêt de venir avec les diplomates qui sont venus même jusqu’à Dakar qui sont intéressés à investir dans ce cinéma là. Je pense que le maillage est en train de se faire un peu partout. Et aujourd’hui, voilà, le Sénégal est présent là où ça se passe.

En dehors de l’Arabie Saoudite, ça se passe où?

Germain: Ça se passe en dehors de l’Arabie Saoudite ici, pour ce qui concerne cette partie. On est en train de discuter également avec les Emirats, des Émirats arabes unis. Je vais avoir tout à l’heure un entretien avec un membre du Fonds d’Abou Dhabi avec qui nous allons discuter. Mais le ministre de la Culture du Sénégal était à Abou Dhabi il y a trois semaines, invité par son homologue dans le cadre du développement des industries créatives. Et donc le cinéma était un des points forts de la discussion et je pense que nous allons essayer de faire des choses à ce niveau là également.

Des talents que vous envoyez à l’étranger pour des stages et des formations, est-ce qu’ils reviennent tous au Sénégal ou y en a-t-il qui restent à l’étranger ?

Germain: Pour l’essentiel ils reviennent. Ils reviennent parce qu’il y a des possibilités en tout cas de travailler à partir du Sénégal et ça attire. Donc ils n’ont pas forcément besoin de rester à l’extérieur. Donc après les formations, ils reviennent parce qu’ils trouvent le retour du travail sur place.

Nous avons beaucoup de tournages en moyenne au Sénégal. On va voir dans les 150 films qui vont être tournés dans l’année. On peut avoir jusqu’à quatre ou cinq grosses productions qui vont arriver. Donc ça donne du travail aux personnes qualifiées. Et donc, tous les jeunes que nous envoyons, ils reviennent.

Au niveau du fond, ce que nous privilégions dans le cadre des formations, ce sont les métiers techniques surtout. C’est vrai que le Sénégal, le cinéma sénégalais a été pendant très longtemps un cinéma de réalisateurs. Nous en avons beaucoup. On continue à former des jeunes, mais nous avons beaucoup de réalisateurs qui sont qualifiés. Mais je pense que nous devons insister également sur des métiers techniques qui feront que toute la chaîne soit couverte pour qu’on puisse faire un film à partir du Sénégal jusqu’au montage, jusqu’à la postproduction.

Mais ça demande une formation et nous sommes en train de faire des efforts à ce niveau là. Comme nous faisons beaucoup d’efforts en termes de mobilité pour que nos jeunes réalisateurs, pour que nos acteurs puissent aller également au niveau des festivals dans chaque festival, on essaye de soutenir vraiment cette mobilité qui leur permettra de voir le niveau de création, ce qui se passe aujourd’hui, d’entrer dans des réseaux et je pense que c’est en train également de bien payer.

Pour les cinéastes qui viennent de l’étranger pour faire des tournages au Sénégal, est-ce que ça se déroule en anglais ou en français ?

Germain: La langue ne constitue nullement pas de barrière. Elle ne doit pas constituer une barrière. Mais également, il y a une réglementation qui incite à venir tourner au niveau des taxes pour une autorisation de tournage. Ça se fait même au niveau de ma direction. C’est moi qui délivre les autorisations de tournage. Pour un court métrage, on vous demandera environ 200 €.

C’est tout ?

Germain: C’est tout. Pour un long métrage, ça va vous coûtera 1 000 € que vous aller payer pour avoir l’autorisation de commerce si cette autorisation de production est étrangère.

Pour les nationaux, c’est gratuit. Donc c’est pour cela que les aussi les co-productions sont intéressantes parce que là c’est la structure, c’est l’entreprise locale qui va demander l’autorisation de tournage et ça devient gratuit. Mais en retour, nous demandons à ce que, pour certains postes, en tout cas avant, dont nous disposons que la production étrangère puisse travailler avec les deux autres. Je pense que ça se fait un peu partout. Oui, il y a des pays qui sont même beaucoup plus rigoureux où même si vous voulez, on vous demande de doubler tous les postes. Mais sinon, nous poussons à ce que les postes techniques, en tout cas, dans lesquels nous pouvons travailler, que la production étrangère essaye de travailler avec ces gens là. Çafait partie des critères pour avoir l’autorisation de tournage. Pas simplement de payer. Mais on va regarder le budget, on va regarder les professionnels sénégalais qui seront engagés dans ce projet. Et tout ça, ça fait partie du package qu’on regarde pour délivrer maintenant une autorisation de tournage. Mais ce n’est pas vraiment contraignant d’avoir une autorisation de tournage, en plus que nous bénéficions d’une certaine stabilité. Donc on peut tourner à tout moment.

Est-ce qu’il y a des mois où c’est meilleur de tourner?

Germain: Oui, nous avons au Sénégal deux saisons. Il y a une saison où il pleut pendant trois mois et tout le reste il ne pleut pas. Il pleut généralement à partir du mois de juillet, août et septembre. Le reste il n’a pas de de pluie. Donc voilà. On peut tourner en extérieur.

Ça ouvre plein de possibilités.

Germain: De possibilités. Le soleil, ça on en a tous les jours. Et on a des décors qui ont des paysages désertiques à d’autres aussi. C’est tropical, c’est la forêt, c’est des plages, c’est la savane. J’incite vraiment les porteurs de projets à venir au Sénégal.

Merci.